14 septembre 2010

La malédiction de la Dame putride

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Dans un village des frontières est de l’Empire, vivait une femme dont la beauté surpassait celle de bien des comtesses. Elle attirait tous les regards et en jouait. Mais des regards qui la convoitaient n’y était pas que des bienveillants ; elle attirait également la jalousie, en particulier celle d’une vieille femme repoussante, une recluse qui jamais n’avait connu la convoitise.
De jours en jours elle l’observait, tapie dans l’ombre, n’espérant que sa mort du plus profond de son être, haïssant sa vie, haïssant la vie elle-même.
Puis un jour de pluie, alors qu’elle marchait dans les rues boueuses refoulant sa haine, l’image de son reflet dans une flaque d’eau fit bouillonner son sang, sa colère montant, au point de faire germer en elle une idée d’une malsanité cruelle. Elle leva les yeux sur le fruit de sa haine et pour la première fois sourit.
Alors elle partit et l’on ne revit plus la vieille femme.
Seulement, quelques mois plus tard, la jeune femme de beauté disparue également, et d’elle non plus on entendit plus parler, du moins pas comme on en parlait autrefois.

A quelques lieux de là, un grand manoir que l’on croyait abandonné abritait un nouvel hôte. Mais nul ne savait qui y vivait. Un an jour pour jour après la disparition de la belle, un chevalier qui se prenait pour noble décida d’aller visiter ces voisins étranges et distants du village. Il n’en revint pas. Alors se suivirent les valeureux voulant découvrir le mystère du manoir, mais aucun ne revint.  Cela dura cent ans et jamais n’en revenait personne. Alors le peuple pria Les Sept qu’ils leur envoient un être capable de découvrir ce qui était arrivé aux maris des veuves du village.
C’est ainsi qu’un jour arriva un être de lumière ; un être de vie ; un ange.
Celui-ci était arrivé discrètement au village, on ne nota pas même sa présence. Il avait écouté les rumeurs puis s’en était allé en direction du manoir.

Quand il y arriva, c’est une femme d’une beauté froide qu’il découvrit. Une femme qui semblait avoir des siècles et qui était pourtant si belle. Une femme dont la peau si pâle drainait le désir.
Mais l’ange vit plus que cela en elle. Il vit une femme qui souffrait depuis longtemps. Il vit une femme qui haïssait la vie. Une femme qui pour s’en venger collectionnait la mort.
Car depuis toutes ces années, la belle se dépérissait, victime d’une malédiction de mort qui sur elle n’agissait que trop lentement.
Un jour, alors qu’elle était encore saine, une vielle femme lui avait rendu visite. Alors qu’elle l’avait laissé entrer chez elle, celle-ci lui avait lancé une malédiction. Et alors que sa peau aurait dû pourrir sous ses yeux et que sa mort aurait dû en suivre, rien ne se passa. La sorcière mourut, lui offrant l’immortalité d’une lente décomposition.
Elle s’était recluse et avait alors nourrit une haine de la vie en prenant celles de ceux qui passait. Et aujourd’hui l’incarnation de la vie elle-même se tenait devant elle, et ce n’est pas de la haine qu’elle ressentit.
Elle l’invita donc à entrer, ne pouvant se résoudre à le tuer. Et alors que celui-ci avançait parmi les bibelots de mort, il sourit. Il lui sourit.
L’amour touche parfois d’étranges cibles pour d’étranges raisons, mais on ne peut l’ignorer. C’est donc ainsi que des jours et des mois durant, les deux âmes sœurs s’envoutèrent l’un l’autre.

Puis un jour que la passion les brûlait, ils payèrent l’erreur d’être tombés amoureux et se lièrent. La vie et la mort sont trop proches pour être ensemble et la lumière purifia l’ombre. C’est de la vie que la Dame Putride fut contaminée alors que la malédiction la quittait enfin. Ainsi, après toutes ces années, la vie lui offrit enfin la mort.
L’être de lumière ne pu se remettre de sa tristesse, constatant les dégâts de sa propre nature. Et dans l’immortalité, au manoir de la mort, il nourrit désormais sa haine de la vie.