Il était une fois, dans un pays fort, fort lointain, une princesse qui vivait dans la plus haute salle de la plus haute tour.
Elle était prisonnière d’un terrible
dragon, crachant le feu sur chaque pierre déjà noircie du donjon.
Son seul loisir était de collecter les roses d’un petit jardin, unique parcelle verte au balcon de la désolation.
Mais cela même, le dragon ne le lui
laissait pas, la tourmentant sans relâche à peine sortait-elle de sa chambre.
Elle avait juste le temps, une fois
au jour, de cueillir une des fleurs du grand rosier.
Elle la humait toute la journée et,
au soleil couchant, arrachait chacun de ses pétales, déclamant si le prince
charmant qui viendrait la délivrer l’aimerait un peu, beaucoup, ou d’un amour
fou. Elle y déposait un baisé et le soufflait sur le vent.
Cela durait maintenant depuis dix
années.
* * *
Ayant entendu conter les légendes
d’une bourgade lointaine, un preux chevalier s’émerveillait devant la plus
douce d’entre elles.
Chaque soir, au dessus du paisible
village, une rivière de pétale de rose glissait sur le ciel.
Le noble aventurier voulait en
savoir plus. Il se rendit à la taverne la plus proche.
Il y entendit mille histoires sur
les roses dans le soir.
Puis un ivrogne lui dit :
« Montez sur la colline, de là vous pourrez les attraper d’un bras levé.
La réponse est soufflée sur le vent, mon bon seigneur, comme qu’ils disent,
les poètes. »
Alors le lendemain au soir, il s’y
rendit. Et du bras, au vent, un pétale cueillit.
Il en inspira le parfum et senti
alors l’odeur la plus enivrante qu’il n’eut jamais humée.
« Je suivrai la rivière de
pétales et en trouverai la source de paradis.
Je pourfendrai bêtes et monstres sur
mon chemin
J’en fais le serment devant les Sept de Lumière, je trouverai
l’origine de la pluie de roses. »
Ainsi il parti dans l’horizon,
chevauchant son fier destrier, tout de caparaçon rutilant ; une flèche
d’argent filant vers sa destiné.
Des mois durant il combattit bandits
et détrousseurs de grands chemins, sangliers et serpents.
Puis par un midi brillant au zénith
d’un soleil brûlant, il aperçu s’élever des roches escarpées la tour
vertigineuses d’un donjon.
Il poussa son cheval jusqu’au bout
de ses forces pour atteindre avant la nuit l’érection mystérieuse.
Ce dernier tira son dernier souffle
à l’orée d’un flan de silex et le noble chevalier fini sa course à pied tandis
que l’après-midi glissait sous le soir.
Et au crépuscule rose, un pétale
couleur ciel vint lui caresser la joue d’une douce promesse.
Là-haut, à la plus lointaine
persienne, coulait la pluie de rose si longtemps poursuivie.
Toutes forces retrouvées, il
traversa un pont de pierre, courut le long de couloirs, devant des cachots,
sauta sur des marches de marbre et arriva enfin dans une cour. Une cour au
milieu de laquelle se tenait un dragon.
« Qu’êtes-vous, être
insolant ? », gronda le dragon. « Que venez-vous faire ici, en
ce lieu de souffrance ? »
« Je suis noble, lézard
infâme ! Et je viens vous pourfendre. »
« M’occire dites-vous ? Et
pour quelle raison ? Qu’a fait un vieux reptile pour invoquer votre
colère ? Ne souffre-je pas déjà assez sans que les hommes viennent me
tuer ? »
« Souffrir ? Mais vous
êtes un dragon ! Cracheur d’enfer, pilleur, grand destructeur. Les bêtes
ne souffrent pas. »
« Oh si elles souffrent, mon
ami. Et moi je souffre. », souffla l’horrible monstre. « Vois-tu
cette tour et les fleurs qui en tombent ? »
« Oui je la vois. C’est là que
vous retenez prisonnière une princesse en détresse. »
« Prisonnière ? Si
seulement elle partait j’en serais apaisé !
Là-haut vit une sorcière plus
cruelle que la mort. Elle tue mes fleurs et mon bonheur, arrache leur vie
chaque jour un peu plus.
J’ai tenté de lui dire, de lui
crier, de la supplier de partir mais en vain. Celle-ci a trop peur pour
comprendre.
D’autres ont essayé et maintenant
ils sont morts. Car la belle ne partira que lorsqu’elle me verra gire.
Alors attrape ton épée, combat-moi
et meurs à ton tour.
Mais je suis fatigué et las de
l’acier. Je te tuerai et ensuite je dormirai. Et mes forces ne se trouveront
pas assez puissantes pour me réveiller.
Alors à toi je propose ce qu’aux
autres je n’ai pas proposé.
Je garde ici un trésor, tel est la
besogne des dragons.
Débarrasse-moi de cette sorcière, ou
princesse, à toi de voir, et je t’offre mon trésor.
Fais ton choix à présent : l’or
ou la fille. Mais tu n’auras pas les deux. »
Et c’est ainsi que le preux
chevalier grimpa une à une les marches en spirale du grand escalier et arriva
dans la plus haute salle de la plus haute tour.
Il y vit sa dame jetant pétales à sa
fenêtre, s’en approcha, sourire au cœur, et la poussa sur le vent.
Le noble héros avait choisit le
trésor plutôt que le combat contre un dragon épuisé à l’esprit affûté.
La Justice raconterait bien qu’il ne
trouva plus son chemin, que la mort de son cheval l’abandonnait à une fin
certaine.
Mais ce ne fut pas le cas.
Il trouva un autre chemin et fini
ses jours entouré de femmes, d’alcool et de festins.
Car il n’y a pas de justice pour les
justes.
~FIN~
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